Portraits

Concevoir des produits qui améliorent le quotidien des gens

Ouay est un appareil à commande vocale pour le maintien à domicile des personnes âgées

Ouay est un appareil à interaction vocale permettant aux personnes au bénéfice de soins à domicile et leur entourage de communiquer, par exemple informer le patient de l’arrivée du soignant. (Image: Loïc Rochat)

Loïc Rochat aime créer des produits qui ont du sens. Après un bachelor en Industrial Design Engineering à la Haute-Ecole Arc de Neuchâtel, il a décidé de poursuivre avec un master en génie mécanique à l’EPFL. À côté de ses études, il a développé un projet d’appareil pour faciliter la vie des personnes âgées à domicile. Une belle idée qui s’est peu à peu transformée en entreprise.

Quelles études as-tu faites ?

J’ai fait une maturité option mathématiques et physique au gymnase de Morges. J'y ai participé à un cours facultatif de programmation avec un robot Lego Mindstorm. Ensuite, j'ai débuté des études à l'EPFL mais je me suis rendu assez vite à l’évidence : j’aurais dû venir mieux préparé en m’impliquant davantage aux cours de maths et de physique au gymnase. Entre-temps, je me suis découvert un vif intérêt pour la conception de produits. Après une année de stage dans le bureau d’architectes Burckhardt+Partner, je suis entré à la Haute Ecole Arc Ingénierie de Neuchâtel pour suivre la formation en Industrial Design Engineering, orientation Conception ergonomique et Design.

En quoi consiste cette formation ?

Le but de l’ingénieur en conception de produits est de créer des produits qui résolvent les problèmes quotidiens de nombreuses personnes. Cette formation est unique parce qu’elle combine des compétences rarement enseignées ensemble : les sciences sociales et l’ingénierie. L’ergonomie et l’anthropotechnologie permettent d’observer et de comprendre finement les problèmes des utilisateurs et l’ingénierie propose des solutions en accord avec les technologies industrielles et la réalité économique de la commercialisation d’un produit. J’ai aussi suivi des cours de croquis, maintenant je sais bien dessiner et j’adore ça ! C’est d’ailleurs extrêmement utile quand il faut communiquer une idée à un groupe.

Loïc Rochat lors d'une conférence

Loïc Rochat. (Image:  patriceschreyer.com pour HE-ARC )

Où en es-tu maintenant ?

J'ai reçu mon diplôme de la HE-Arc en 2019 et j'aurais pu aller travailler mais j’avais encore envie d’approfondir mes compétences d’ingénieur. Maintenant, je fais une année dite « Passerelle HES » à l’EPFL pour rattraper des cours de 2e et 3e années de bachelor que je n’ai pas eus en HES parce que je faisais des projets à la place. Cet automne, si tout va bien, je commence le Master en génie mécanique.

Pourquoi as-tu choisi ces études ?

Je suis infiniment curieux. Ce qui m’intéresse, c’est d’entreprendre des projets qui ont le potentiel de bénéficier à un large panel de personnes. Après tout, l’essence de l’ingénierie « le génie humain » n’est-elle pas de se créer une vie plus belle et plus épanouissante ? J’aime à le croire, c’est ce qui m’inspire et ce que je souhaite poursuivre. Pour concevoir un produit vraiment adapté, il faut en premier être curieux, observer, chercher à comprendre les problèmes de personnes qui vivent autrement que nous. Qui souffrent peut-être, ont d’autres préoccupations ou d’autres intérêts. Ensuite imaginer, dessiner, prototyper et retourner vers ces gens pour leur demander : « C’est ça qu’il vous faut ? Attendez, et si je le change comme ça, c’est mieux ? » et faire cela jusqu’à avoir conçu quelque chose qui au final améliore le quotidien des gens. C’est un métier d’empathie, technique et de créativité, c’est beau.

 

 

Que penses-tu des cours que tu as suivis ?

J’ai rencontré des professeurs hors du commun. Le cours d’anthropotechnologie de Philippe Geslin était hyper intéressant. Jamais entendu parler de ça ? C’est la science qui étudie la façon dont les techniques (comprenez tout ce que l’humain fabrique) influencent le comportement des gens entre eux. Que se passe-t-il si je construis une usine au milieu d’une banlieue indienne, pourquoi cela a-t-il engendré une catastrophe faisant 20000 morts ? Pourquoi retrouve-t-on des piles de lave-linge aux abords des villages au Groenland ? Pourquoi est-ce que papi-mamie n’utilisent pas de smartphone et remplissent leur maison de photos de famille ? Ces situations ont une réalité commune et s’analysent de façon similaire. Dans un monde où la technologie devient une idéologie aveugle, ces compétences sont très précieuses pour comprendre les implications sociétales de la technologie.

Quelle expérience pratique as-tu pu acquérir ?

Une large part de mes études a été rythmée par des projets mandatés par des industriels. C’est l’une des spécificités des études dans une haute école spécialisée (les HES). Vous sortez diplômé avec de l’expérience quasi professionnelle. Je me souviens avoir travaillé pour une startup développant une bague intelligente, une entreprise de machines-outils et un aventurier qui souhaitait rallier le pôle nord à vélo. Nous lui avions conçu un vélo amphibie en partenariat avec l’INSA de Lyon.

J’ai aussi débuté un projet passionnant, Ouay (voir l’encadré), avec mon meilleur ami Sven Borden qui poursuit actuellement un master en robotique à l’EPFL. Le projet a démarré la veille de la rentrée académique au plus grand hackathon d’Europe, HackZurich. Cela nous a tellement intéressés que nous avons décidé de poursuivre le projet au-delà de l’événement et c’est là que notre aventure entrepreneuriale a commencé. Notre objectif était de créer un appareil à interaction vocale pour améliorer l’autonomie et la joie de vivre des personnes âgées au bénéfice de soins à domicile. Ce qui était vraiment génial, c’est que le projet collait parfaitement avec les études que j’allais entreprendre : la conception de produits centrée utilisateur.

Comment vois-tu ton avenir professionnel ?

Dans tous les cas, je souhaite travailler avec une équipe engagée et extraordinaire à la poursuite d’un meilleur futur. Parce que le progrès est la réalisation des utopies. Que je dirige Ouay ou un autre projet, ce qui m’intéresse n’est pas la finalité mais la poursuite continue de ce qui me fait plaisir, de ce en quoi je crois et ce qui m’épanouit.

Ouay : d’une simple idée à la naissance d’une entreprise

Lors du hackathon de Zurich, Sven et moi avons débuté avec une portion d’idée qui a ensuite évolué grâce aux gens que nous avons rencontrés. Des médecins, des proches, des personnes âgées et des soignants ou même des assureurs. Au fond, l’idée de Ouay, qui est de créer un outil de coordination pour tous les acteurs du maintien à domicile (patients, famille, soignants et prestataires de services), s’est auto-révélée au fur et à mesure de nos investigations sur le terrain. A un certain moment, il nous a semblé évident d’utiliser un appareil à interaction vocale. Qu’il devait être utilisable par les malvoyants et permettre, entre autres, d’informer le patient de l’arrivée du soignant, de téléphoner en mode haut-parleur ou de recevoir des rappels par exemple.

L’été 2019, nous avons accompli quelque chose qui me surprend encore. En deux mois et demi, grâce à une équipe ultra compétente d’étudiants, nous avons développé notre produit de 0 à 1, du papier à un produit fonctionnel. C’était magique. Par la suite, nous avons complété l’appareil par une application pour smartphone ou tablette utilisable par tous les proches et les patients. Ils peuvent ainsi communiquer entre eux et avec le boîtier pour le patient.

Actuellement, je poursuis mes études en génie mécanique. Comme ma semaine est occupée par les cours et les révisions, je gère l’entreprise avec Sven pendant mon temps libre et les vacances. Cela demande beaucoup de travail, mais le projet et le temps partagé avec les sept autres membres de l’équipe sont une grande source d’épanouissement pour moi. La commercialisation du produit est prévue en été 2020. D’ici là, nous allons poursuivre les tests sur le terrain avec notre partenaire UniQueCare Santé et Soins à domicile et établir des partenariats stratégiques.


Texte: Loïc Rochat et Rédaction SimplyScience.ch

Créé: 14.02.2020
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