Technoscope: Pourquoi la science s’intéresse-t-elle aux glaciers?
Amédée Zryd: Lorsque l’on observe les glaciers, on est pour ainsi dire au premier rang pour suivre les changements climatiques. Et il y a aussi une autre raison essentielle.
Laquelle?
Les glaciers alpins ont un impact sur notre vie quotidienne, même si nous n’en sommes pas toujours conscients.
En quoi les glaciers sont-ils liés à notre quotidien?
Ce sont de grandes réserves d’eau naturelles qui fondent et sont disponibles lorsque nous en avons le plus besoin: quand il fait chaud. Grâce aux glaciers, nous disposons d’une quantité d’eau suffisante en été pour l’agriculture et les barrages qui nous permettent de produire une grande partie de l’électricité du pays.
Mais désormais, les glaciers alpins fondent.
Pas seulement dans les Alpes. Les glaciers disparaissent partout dans le monde, même dans l’Himalaya, dans les Andes ou aux pôles. Il s’agit moins de leur longueur que du volume de glace perdu.
Parce que le climat devient plus doux dans les Alpes?
Le climat évolue de telle manière qu’aujourd’hui l’hydrologie ressemble davantage à celle du Jura, avec beaucoup d’eau dans les fleuves au printemps et en automne, et des étés secs. Les réserves d’eau des barrages pourraient donc diminuer à long terme. Nous devons déterminer dans quelle mesure nous les utiliserons à l’avenir pour la population, l’agriculture ou la production d’électricité.
Que se passe-t-il dans les Alpes lorsque la «neige éternelle» fond?
C’est une question centrale de la recherche glaciologique. Il est certain que les risques vont changer. Auparavant, l’un des risques en haute montagne était par exemple la vidange brutale des lacs glaciaires. Aujourd’hui, des flancs escarpés menacent de s’effondrer sans l’influence stabilisatrice de la glace. C’est ce que nous devons surveiller.
Jusqu’à quand aurons-nous encore des glaciers en Suisse?
Un grand nombre des petits glaciers, comme le Glacier de la Plaine Morte dans le Valais, disparaîtront d’ici 30 à 50 ans. Les plus grands, comme le glacier d’Aletsch ou le glacier du Rhône, diminueront mais ne disparaîtront pas complètement.
Qu’est-ce qui vous impressionne le plus depuis toutes ces années où vous observez les mouvements des glaciers valaisans?
J’ai toujours le souffle coupé quand je me trouve au pied d’une moraine verticale, presque aussi haute que la Tour Eiffel, en sachant que la glace s’élevait à cette hauteur il y a 150 ans. Je réalise alors une chose que les chiffres d’un rapport ne pourront jamais exprimer: nous avons déjà perdu des masses de glaces colossales.