Comment t'es-tu retrouvé intégré à ce projet?
J'ai depuis longtemps un attrait pour le Vietnam et sa culture. Je pratique un art martial vietnamien depuis l'enfance et avais depuis lors envie de vivre sur place pendant une période de ma vie afin de me perfectionner dans un club local. J'ai appris qu'un de mes professeurs à l'EPFL avait des contacts et des collaborations en cours avec l'Université Polytechnique d'Hô-Chi-Minh-Ville et lui ai demandé s'il était imaginable d'effectuer mon projet de master sur place. Tout s'est enchaîné de manière très fluide car je suis tombé au bon moment pour travailler sur ce projet: des études préliminaires avaient été effectuées une année plus tôt, et il y avait alors besoin d'une personne disponible pour faire du travail de terrain pendant quelques mois, en collaboration avec des étudiants vietnamiens pour les former aux méthodes d'échantillonnage et d'analyse. Et, bien entendu, la thématique proposée m'intéressait énormément.
Sur quel sujet as-tu travaillé?
L'objectif de mon projet de master était de détecter et de quantifier la présence d'antibiotiques et d'herbicides dans des complexes d'élevage de crevettes dans le Sud du Vietnam. Là-bas, l'aquaculture de poissons et de crevettes a connu un essor vertigineux au cours des dernières décennies, au point que des zones entières traditionnellement dédiées à la riziculture ont été converties en bassins d'élevage aquacole. Pour maximiser les rendements, la densité de crevettes au mètre carré est souvent importante, ce qui crée, en combinaison avec le fait que l'eau des bassins n'est pas renouvelée, une situation propice au développement d'épizooties. Afin de lutter contre la propagation de bactéries infectant les crevettes, beaucoup d'éleveurs utilisent des antibiotiques de manière systématique à titre préventif.
Mais en quoi cette utilisation d’antibiotiques est-elle problématique?
A force d'être en contact permanent avec de faibles concentrations d'un antibiotique dans l'eau, les bactéries peuvent développer, en accumulant des mutations génétiques aléatoires, des gènes de résistance à cet antibiotique. Le problème est cependant bien plus grave que l'on pourrait le penser, car les bactéries ont la faculté, par un phénomène nommé transfert horizontal de gènes, d'échanger du matériel génétique entre elles, même si elles ne sont pas de la même espèce. Ainsi, une bactérie infectant la crevette peut, en entrant en contact avec une bactérie affectant l'humain, lui transmettre du matériel génétique qui lui permettrait de ne plus être sensible à un certain antibiotique, par exemple l’érythromycine, utilisé à la fois en médecine humaine et vétérinaire. L'utilisation systématique d'antibiotiques dans l'aquaculture à l'autre bout du monde peut donc avoir des impacts énormes sur notre santé.