Portraits

Elise Raphael : une mathématicienne qui a le pied sûr

Elise Raphael

Elise Raphael escalade une paroi rocheuse. Photo: Arnaud Petit

Des mathématiques à l'escalade, il n'y qu'un pas qu'Elise Raphael franchit joyeusement. Portrait d'une mathématicienne qui aime résoudre des problèmes et le contact avec les étudiants.

Les mathématiques, c’est ta passion depuis toujours ?

Pas exactement. J'ai toujours aimé les maths et eu de la facilité dans cette matière à l'école. Mais j'étais (et je suis toujours) très curieuse, et tout m'intéressait à part peut-être l'histoire et la géographie. Au cycle et collège (collège et lycée français en réalité), j'ai participé à des rallyes mathématiques, qui prenaient deux mercredis après-midi dans l'année et permettaient de résoudre des problèmes ludiques en groupe de quelques élèves. Mais je ne faisais pas plus de mathématiques en dehors.

Qu’est-ce qui t'a décidée à étudier les mathématiques à l’université ?

J'hésitais entre la littérature anglaise et les maths... mais j'étais en filière scientifique et mes profs m'ont poussée dans cette direction. J'ai d'abord fait un très bref séjour en classe préparatoire au Lycée du Parc (Lyon), puis je me suis retrouvée en filière Maths-Informatique à l'Université de Lyon 1, ce qui correspondait beaucoup mieux à ma façon de travailler : j'ai tendance à apprendre à un rythme irrégulier, avec des périodes de grande concentration sur un sujet particulier puis sautant à un sujet différent. A l’université, j’avais du temps pour étudier seule et des examens semestriels au lieu d'oraux hebdomadaires comme en classe préparatoire.

As-tu un conseil à donner à une jeune fille qui hésiterait à suivre la même voie ?

Sans doute plusieurs... Il faut bien se dire que ce qu'on étudie au secondaire en maths n'a pas grand chose à voir avec les études universitaires dans ce domaine : des notes excellentes au collège (ndlr: secondaire II) ne sont ni nécessaires, ni une garantie de réussite dans une filière mathématique par exemple. Se rappeler également que les études sont faites pour chercher ce que l'on veut faire, ce qu'on aime faire, ce dans quoi on est douée (et ces 3 domaine ne se recoupent pas forcément !), donc il faut essayer, quitte à changer d'avis en cours de route ou à dévier. Et enfin que les maths, c'est si vaste ! On peut en adorer certaines branches et ne pas beaucoup aimer certaines autres. C'est normal de trouver certaines mathématiques plus belles que d'autres...

Comment se sont passées tes études ? Est-ce qu’elles ont répondu à tes attentes ?

J'ai adoré mes études. Je ne crois pas que j'avais d'attentes particulières, à part l'envie d'en savoir plus et le plaisir d'apprendre ! C'était fantastique de découvrir la variété des mathématiques. J'ai beaucoup aimé arriver en master à l'UNIGE et pouvoir choisir mes cours, et les tester avant de m'y inscrire. Comme la section de mathématiques est plus petite à Genève qu’à Lyon, j’ai apprécié de pouvoir discuter plus facilement avec les assistant-e-s et professeur-e-s.

Peux-tu nous dire quelques mots sur ton master et ta thèse de doctorat ?

Le choix de mon travail de master est un moment assez marquant : je me rappelle avoir discuté avec quatre profs différents, et c'était génial de voir ce qui les intéressait et d'entrevoir ce que pouvait être la recherche. La thèse est une période à part, entre études et travail. Cinq années avec des hauts et des bas, mais que je ne regrette absolument pas d’avoir vécue. Cela m'a aussi permis de découvrir à quel point j'aime les interactions avec les étudiants au niveau universitaire.

Connaissais-tu les débouchés professionnels possibles ?

Je ne connaissais que la recherche et l'enseignement. Je dois avouer qu'avec le type de maths que j'ai faites (pas du tout appliquées !), je n'ai pas l'impression d'avoir découvert beaucoup d'autres débouchés possibles, à part la vulgarisation.

Que fais-tu comme travail actuellement ?

Je travaille en tant que "Science officer" pour le pôle national de recherche SwissMAP - les Mathématiques de la Physique. Pendant mon doctorat, je m'occupais déjà de certaines tâches pour le pôle: organiser des conférences par exemple. J'ai maintenant une position à l'interface des chercheurs et de l'administration du pôle, et également entre les directeurs de SwissMAP et le FNS (ndlr: institution qui finance la recherche) par exemple. Concrètement, c'est difficile à définir: les tâches sont extrêmement variées.

Pourrais-tu tout de même nous donner quelques exemples de tâches ?

La plus grosse partie de mon travail ces temps est consacrée à la création et à la gestion de la SwissMAP Research Station, un centre de conférences en maths et physique situé aux Diablerets (VD). Nous avons créé la station en janvier 2021, et tout reste à faire pour la promouvoir sur la scène internationale. Mon travail implique également une certaine gestion de l'équipe administrative de SwissMAP (nous sommes 6 au total), ce qui est très intéressant mais prend plus de temps que ce que je pensais !

Je m'implique en ce moment beaucoup dans des projets de vulgarisation afin de montrer des maths au grand public, mais aussi essayer de relayer ce qui se fait en recherche dans notre branche auprès des étudiants en bachelor et master, par exemple.

Qu’est-ce qui te plaît dans cette activité ?

La diversité des tâches, la possibilité de lancer de multiples projets, ne pas perdre le contact avec le monde de la recherche, pouvoir transmettre à des étudiants...

Comment la transition vers le monde professionnel s’est-elle passée pour toi ?

Je suis restée dans le monde académique, je n'ai donc pas tellement ressenti de transition. Lors de mes deux dernières années de doctorat, j'avais déjà un 20% pour réaliser des tâches administratives. J'ai beaucoup aimé, subitement, avoir des délais proches dans le temps et des tâches faciles à terminer. Une partie difficile pour moi dans la thèse était de ne pas vraiment avoir d'objectifs à court terme, et surtout de pouvoir passer un mois à travailler sur un problème sans voir le moindre progrès ! Mais la recherche commence à me manquer un peu, donc j'essaye de rester informée de ce qui se passe dans mon domaine.

Tu pratiques l’escalade pendant ton temps libre. Qu’est-ce que cela t'apporte ?

Il y a un nombre surprenant de mathématicien-ne-s et physicien-ne-s dans l'escalade. La façon d'aborder un bloc ou une voie est en fait assez similaire à certains problèmes de maths... D'abord ne rien comprendre, puis se rendre compte qu'on peut essayer telle ou telle méthode, réussir un ou deux mouvements et d'un seul coup tout paraît évident ! Ensuite y retourner pour que ce soit élégant et sans efforts, ou presque, comme on réécrirait une preuve mathématique afin qu'elle paraisse couler de source.

C'est aussi le sport qui me permet de faire le vide. La concentration que l'escalade me demande ne laisse pas de place pour autre chose, et comme mes pensées ont tendance à partir dans toutes les directions à la fois, c'est très important pour moi !


Texte: Elise Raphael et Rédaction SimplyScience.ch

Dernière modification: 11.08.2022
Créé: 11.08.2022
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