À quoi s’intéresse une chercheuse en géosciences ?
«Les géosciences, ou sciences de la Terre se consacrent à l’étude de la Terre, des couches les plus profondes à la surface. Il faut considérer les différentes couches de la Terre ainsi que la manière dont elles interagissent avec d’autres domaines, par exemple avec : l’atmosphère (l’air), la biosphère (la vie), l’hydrosphère (l’eau). En géosciences, on cherche à expliquer la structure et l’évolution de notre planète et de ses paysages, comme la formation des montagnes qui découle de la tectonique des plaques. Prendre en compte l’influence de l’activité humaine, et de la pollution qu’elle engendre est aussi primordial. Pour étudier tous ces mécanismes, on a besoin d'une approche assez multidisciplinaire : chimie, biologie, physique. On peut citer, plus particulièrement l'astrophysique, puisque les sciences de la Terre étudient aussi les autres planètes, les astéroïdes et les comètes (voir p. ex. "la Lune ne rajeunit pas"). Personnellement, j’ai étudié la chimie avant de m’intéresser aux sciences de la Terre ; aujourd’hui je me spécialise donc en géochimie !»
En quoi est-ce que les géosciences sont-elles utiles ?
«Prenons un exemple parmi d’autres. En étudiant certains phénomènes naturels, les géosciences essayent d’anticiper des événements futurs comme des catastrophes naturelles. Pouvoir estimer les risques d’éruption d’un volcan ou de tremblement de Terre est bien sûr très utile pour pouvoir se préparer à leurs effets et prévenir des catastrophes humaines. Un de mes professeurs de master était volcanologue et travaillait souvent avec les autorités locales de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion pour essayer de mettre en place des plans d’évacuation. Ensuite, dans le contexte du changement climatique c’est utile d’étudier d’autres périodes durant lesquelles la température sur Terre a rapidement augmenté. Cela permet d'avoir une idée des impacts sur la biosphère et l’hydrosphère (fonte des glaciers, augmentation de niveau de la mer, modification des courants marins, etc.). Finalement, les sciences de la Terre permettent simplement d’en apprendre plus sur beaucoup de choses comme la formation de notre système solaire, l’évolution de la Terre ou l’apparition de la vie.»
Et toi, en quoi consiste ta recherche de doctorat ?
«Pour obtenir des informations sur la Terre pendant l’Archéen, les roches qui nous restent de cette époque sont très précieuses puisqu’elles ont enregistré des informations sur l’environnement dans lequel elles se sont formées. Dans ces roches anciennes, qui sont malheureusement rares et souvent altérées, on trouve souvent un minéral appelé la pyrite. Les pyrites auxquelles je m’intéresse se forment dans les sédiments déposés au fond de l’océan, à partir de fer et de soufre dissous. Les conditions dans lesquelles cette réaction a lieu déterminent en partie les propriétés chimiques de la pyrite obtenue. Ce sont, par exemple, la présence de certains micro-organismes, la chimie des océans ou la concentration en oxygène dans l’atmosphère. Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas toujours été d’accord sur la manière d’interpréter ces propriétés chimiques, alors que ce serait bénéfique pour reconstruire les environnements archéens. Il existe d’autres types de traceurs de l’Archéen, mais comprendre de quelle manière les pyrites enregistrent l’environnement dans lequel elles se sont formées permettrait d’en savoir plus sur cette période, encore bien mal connue. Une approche consiste à étudier les pyrites archéennes; moi je vais plutôt m’intéresser à la formation de pyrite dans des lacs actuels, dont les propriétés chimiques et physiques sont similaires à celles des océans archéens. Je pourrai ainsi étudier chaque étape de formation des pyrites, comprendre de quelle manière l’environnement influence la composition finale de la pyrite, et quelles informations sont enregistrées dans cette composition.»
En quoi consiste une journée de doctorat typique pour toi ?
«Mon emploi du temps est assez libre, je m’organise selon mon envie. Certaines fois, on doit travailler sur son ordinateur ; en ce moment par exemple, j’écris un article scientifique basé sur le travail de mon projet de master. Heureusement, il y a aussi beaucoup d’interactions entre collègues pour discuter et réfléchir ensemble. Et comme on utilise différentes machines (des microscopes par exemple) il faut toujours trouver la personne qui sait l’utiliser et qui saura te donner des conseils pour faire tes mesures. Ensuite, on participe à beaucoup de conférences et de séminaires pour se construire une culture scientifique et puisque c’est en collaborant que l’on fait le plus progresser la science. Finalement, pour étudier les mécanismes de formation de la pyrite il y aura aussi des journées de terrain. Avec des collègues nous irons quelques jours au lac Pavin dans le Massif central en France et au lac Cadagno au Tessin pour prélever de l’eau et des sédiments de ces lacs actuels.»